Le 7 mai dernier, dans une « non-demande » d’audience, le Bureau National de la FFMC s’adressait à Edouard Philippe, le promoteur de la réduction à 80 km/h des vitesses maximales sur les routes birectionnelles, pour protester contre l’absence d’écoute et de prise en compte de l’expérience des associations d’usagers de la route, parmi lesquelles figure la FFMC.
Quelques dizaines de manifestations plus tard, Edouard Philippe transmet sa réponse le 15 juin à la FFMC. Aucune surprise dans ce courrier : le Premier Ministre rappelle que sa décision s’est appuyée sur les rapports du Centre d’Etudes et d’expertise sur les Risques, l’Environnement, la Mobilité, l’Aménagement (CEREMA) ainsi que de l’Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière (ONISR) et du Conseil National de la Sécurité Routière (CNSR).
Cette présentation sans nuances omet à nouveau de prendre en compte les arguments de la FFMC et d’autres associations…
Ce 5 juillet, le Bureau National de la FFMC « remet le couvert » et, dans une lettre réponse au Premier Ministre, souligne les lacunes de la démarche ministérielle. En voici quelques extraits…
Soyez assuré, Monsieur le Premier ministre, que nous connaissons ce dossier aussi bien que vos conseillers […] Le problème, c’est que vous n’avez pris l’avis que d’une seule catégorie d’experts et que sur cette question de la vitesse, vous avez tranché avec précipitation à l’égard des millions de personnes concernées.
Vous voulez « sauver des vies », avez-vous répété à maintes reprises… Si sauver des vies est toujours une noble cause, aucune personnalité politique, quel que fut son rayonnement, n’y est jamais parvenue par la contrainte, par l’autoritarisme, par le refus du dialogue […].
Des propositions et l’expérience d’actions ayant démontré leur efficacité, nous en avons aussi, Monsieur le Premier ministre et nous vous l’avons fait savoir à plusieurs reprises. Parmi les premières solutions à mettre en œuvre, nous croyons à l’éducation : la FFMC en fait et ses résultats sont connus. […] nous avons acquis la conviction qu’il est possible et même moins difficile qu’il n’y paraît, de convaincre que l’amélioration pour tous passe par le comportement et la remise en question de chacun, que la « route » est avant tout un espace collectif et que l’idée de sécurité routière est d’abord une valeur. Mais nous savons aussi que pour y parvenir, pour agir durablement sur ce qui ne sont finalement que des questions de « norme sociale », il faut travailler sur les causes et non sur ses effets ou sur ses conséquences. En décrétant ainsi sur la vitesse maximum autorisée qui n’est jamais qu’une règle absolue, un chiffre fixé dans un univers extrêmement subjectif, nous pensons et nous regrettons que vous ayez davantage décrété sur les effets et les conséquences que sur les causes. […]
Nous regrettons que vous ne nous ayez pas autant écouté, car nous aussi, nous oeuvrons en faveur d’une réduction des risques […] cependant, par fidélité à nos convictions fondatrices, notre vision n’est pas et ne sera jamais sécuritaire car nous ne nous permettons pas de juger autrui ni de faire le bien des autres par la force, fût-elle celle de la Loi.
Il y a plus de deux siècles, Benjamin Franklin, un des pères de la démocratie américaine et qui n’était pourtant pas spécialement un laxiste ou un partisan du chaos déclarait : « Un peuple prêt à sacrifier un peu de sa liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre et finit par perdre les deux ».